mardi 29 juillet 2008

Débacle Diplomatique

La Corée du sud semble enchaîner les bourdes diplomatiques au point de mettre sérieusement en colère son président. Après l’imbroglio socio-politique sur l’importation du boeuf américain, la Corée du sud continue de se heurter à une fin de non-recevoir de la part de la Corée du nord concernant sa demande d’enquête sur les conditions dans lesquelles sa ressortissante a trouvé la mort au mont Kumkang. Le ministère des affaires étrangères est allé plaider sa cause sur la scène internationale lors du forum régional de l’ASEAN à Singapour. La délégation sud-coréenne a cherché à inclure une remarque spécifique à l’affaire du mont Kumkang pour faire avancer la réconciliation inter-coréenne (sans évoquer les accords précédemment conclus avec la Corée du nord) dans le discours final de George Yeo, Ministre des Affaires Etrangères singapourien et Président exécutif de l'ASEAN. La Corée du nord, quant à elle, a essayé d’obtenir exactement l’inverse. Le discours du Président exécutif, rédigé selon les opinions des ministres des affaires étrangères des 27 pays participants dont les deux Corées, détermine les objectifs majeurs du forum régional. Au bout du compte, Singapour, le pays hôte, a déclaré que les ministres présents “exprimés leur soutien actif au développement continu du dialogue inter-coréen, basé sur la déclaration du sommet du 4 octobre (en 2007 avec l'ex-président Mooyun Roh)”. Pas de référence au mont Kumkang. Une victoire franche pour la Corée du nord. Sur le chemin du retour, un membre haut placé de la délégation sud-coréenne reconnaît que “les choses ne se sont pas passées comme prévues”.



George Yeo : "je reste neutre, comme ça, tout le monde sera content... sauf la Corée du sud"



Autre désillusion ; alors que la Corée du sud soutient dur comme fer que les îles Dokdo lui appartiennent, le service géologique des Etats-Unis d’Amérique (USGS) infirme que ces dernières sont une zone sans souverainété établie. L’agence fédérale, qui est le fournisseur de référence de cartes topographiques dans le monde, a changé sans prévénir les autorités coréennes le nom des îles Dokdo en Rochers de Liancourt sous les ordres de l’U.S. Board on Geographic Names (BGN). Coup de massue en pleine poire. Depuis cette découverte, Branle-bas de combat au ministère des affaires étrangères. Les troupes sont mobilisées pour former un groupe de travail spécialement chargé à cet effet. Réunion d’urgence dimanche 27 juillet où le Président en personne a ordonné à chaque mission diplomatique de vérifier si Dokdo était considéré comme territoire coréen par leur vis-à-vis étranger. En attendant, ceci fait les affaires des japonais. Le Chosun Ilbo estime que le BGN a effectué ce changement afin de clarifier sa neutralité vis-à-vis du Japon, qui semble t-il avance ses pions de manière plus subtile.



Position des rochers de Liancourt sur le site de L'USGS



La presse pointe du doigt l’Ambassadeur de Corée aux Etats-Unis, Taeshik Lee pour sa réaction bien trop tardive. L’opposition demande la démission des personnes concernées dans cette affaire. Même le bureau présidentiel de Cheong Wa Dae semble envisager de remplacer le Ministre des Affaires Etrangères Myunghwan Yu qui ne cesse de cumuler les fiascos diplomatiques depuis sa nomination.

L'administration actuelle manque à première vue d'expérience diplomatique. Un ancien haut responsable du circuit n'hésite pas à qualifier le gouvernement "d'amateur", notamment au forum régional de l'ASEAN. Comment expliquer ce paradoxe pour un pays toujours en conflit avec sa moitié nord-coréenne? Le Hankyoreh met en avant plusieurs points importants :

Tout d'abord, le ministère actuel est composé de vétérans en diplomatie mais ne possède aucun expert dans les relations inter-coréennes, spécialité des gouvernements précédents. Un ancien expert explique qu'"en fait, il est difficile de coordonner les affaires étrangères et la politique de sécurité sans vision stratégique et sans délibération préalable sur la politique à adopter vis-à-vis de la Corée du nord".

Deuxièmement, le Ministre des Affaires Etrangères préside la réunion de coordination entre la diplomatie et la politique de sécurité. Seulement, voilà, occupé par ses propres responsabilités, Myunghwan Yu n'accorde que peu de temps et d'importance à cette tâche. Par ailleurs, son homologue de l'unification Hajoong Kim ne peut prendre à son compte ce rôle de chef du fait de la seniorité de Myunghwan Yu. Une source proche des affaires internes explique qu'aucune décision n'est finalement prise lors de ces réunions.

Autre nuisance dans la coordination, le Secrétaire Général à la présidence pour les affaires étrangères et la sécurité, qui est décrit comme un ultra-conservateur trop proche du Président.

Le coeur du problème semble être l'approche du Président lui-même. Ce dernier a opté une ligne de rupture avec la politique de ses prédécesseurs selon lui trop favorable à Pyongyang. Il est alors pas question de refaire la même chose. Les spécialistes surnomment le phénomène "ABR", c'est-à-dire "Anything But Roh (tout sauf Roh)". Résultats des courses, absence de fil directeur, perte de clarté conceptuelle, fragmentation des intérêts en réseaux pour faire place à l’émiettement de la force diplomatique. A tout vouloir changer, on passe à côté de l'essentiel.



Première réunion du group de travail Dokdo. Le mot d'ordre était de tirer une sale tronche

1 commentaire:

julien a dit…

Superbe la dernière photo ! ça laisse imaginer très bien la grosse engueulade qu'ils se sont prise !

J'ai vu récemment que les athlètes du Nord et ceux du Sud ne défileraient pas ensemble. C'est triste tout ces efforts pour rien. Quel gâchis ...

Espérons que le prochain ministre des affaires étrangères ne s'appelle pas "kwak" ! Y'en a bien déjà assez comme ça.