lundi 2 juin 2008

Les vilains canards

Ca y est, après des années d’attente, la Corée s’est enfin rendu compte que les étrangers vivant sur le sol coréen ne sont pas tous de vilains canards cherchant à usurper le système. A compter du mois du juin 2008, les étrangers vont pouvoir faire l’acquisition d’une carte de crédit (≠ carte de débit), objet relativement rare dans la jeune communautée expatriée en Corée du sud. Et comme les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules, le ministère de la justice a simultanément annoncé que les sites web coréens seront accessibles aux étrangers via leur ‘alien registration number’ nous rapporte le Korea Herald. Un sujet de contrariété et d'affliction sur les blogs et forums de nos amis américains basés à Séoul. “Qu’est ce donc que c’est pas ce numéro d’enregistrement pour aliens” me diriez vous? Un peu d’éveil civique pour la peine.

Toute personne de nationalité coréenne reçoit automatiquement à sa naissance une série de 13 chiffres connu plus communément sous le nom de 'resident registration number' (주민등록번호). Ce dernier est l’héritage de l’Acte d’Enregistrement des Résidents de 1962. A la différence des Etats-Unis ou de la France, il ne s’agit pas d’un numéro de sécurité sociale mais d’un moyen d’identification et de vérification pour toutes transactions et procédures administratives. Les étrangers ayant un visa longue durée (séjour au-delà de 90 jours) reçoivent à la place un 'alien registration number' (외국인 등록번호). Les coréens de nationalité étrangère obtiennent quant à eux un numéro similaire fourni sur 'la carte des coréens de nationalité étrangère ayant résidence en Corée' (외국국적동포 국내거소신고번호). Les 13 chiffres se décomposent de la manière suivante :

- Les six premiers chiffres représentent la date d’anniversaire (aammjj). Par exemple, 800918 pour une personne née le 18 septembre 1980.
- Le septieme chiffre indique le sexe et le siècle de naissance de la personne : 9 pour les hommes et 0 pour les femmes nés entre 1800 et 1899, 1 pour les hommes et 2 pour les femmes nés entre 1900 et 1999, 3 pour les hommes et 4 pour les femmes nés entre 2000 et 2099, 5 pour les étrangers et 6 pour les étrangères nés entre 1900 et 1999, 7 pour les étrangers et 8 pour les étrangères nés entre 2000 et 2099.
- Le huitième, neuvième, dixième, et le onzième chiffres représentent le code du bureau administratif communal ou du quartier (동사무소) du lieu de naissance.
- Le douzième chiffre est un numéro séquentiel pour distinguer les personnes nées le même jour et dans le même lieu.
- Le treizième chiffre est un chiffre de contrôle fourni par ses douze prédécesseurs qui permet de vérifier si le numéro a été retranscrit de manière correcte.

Sans évoquer l’aspect big brother de ce matricule, le registration number est principalement critiqué par les étrangers pour son exclusivité aux coréens. Avec presque 35 millions d'internautes (un taux de pénétration de 71.2%) et sa culture du 빨리 빨리 (vite vite), la Corée a acquis une avance considérable dans les services en ligne notamment les transactions bancaires et les services administratifs. Il suffit de quelques cliques et de son registration number pour pouvoir par exemple faire un virement bancaire immédiat via son téléphone portable ou télécharger un extrait de naissance via l’internet. Seul hic, les numéros des étrangers sont rejetés par les serveurs. Bug systémique? Loin de là. les informations collectées par le service d’immigration n’étant pas automatisé, les sites internet ne se donnent tout simplement pas la peine de les répertorier. En gros, l’alien registration number ne sert pas à grand chose. Certains sites proposent des pages réservés aux étrangers et miracle de la technologie, le nom et le numéro sont enfin reconnus. Il ne suffit plus que de remplir durant une dizaine de minutes ses informations personnelles. Mais juste au moment d’appuyer sur valider, un maudit '500 internal server error' vient brusquement nous écoeurer à deux doigts du précieux sésame. Le moyen le plus efficace reste pour le moment l’envoi par courrier d’une photocopie de son alien registration card aux sites se prêtant à cet exercice, à l'instar du site communautaire Cyworld. Un veritable bond en arrière pas loin des bons de commande de la redoute et des 3 suisses de maman. Autre probleme, les operateurs telephoniques et les banques n’ayant pas non plus de bases de données préalables pour évaluer les risques d’un client étranger potentiel vont lui refuser tout service impliquant une avance financière (abonnement mensuel pour le telephone portable, les cartes de credit, les prêts financiers...). Les malheureux étrangers pourront se consoler en obtenant une carte téléphonique pre-payée et obtenir une carte de débit bancaire toute moche. Pour les plus chanceux d’entre eux, un tiers pourra se porter garant ou ouvrir un compte à son nom mais toutes opérations avancées demandera son intervention systematique (changer de forfait SMS par exemple).



"Je voudrais un petit prêt d'un milliard de won s'il vous plaît. Vous pouvez me faire ça en petites coupures?"




La Corée se prétendant vouloir devenir le hub financier d’Asie, il était décidement temps de changer les choses. Les officiels coréens ont semble t’il du mal à digérer les railleries en tout genre de ses voisins asiatiques lors des cercles financiers internationaux. Au cours d’un recent rassemblement d’experts financiers à Tokyo, les propos suivants auraient été prononcés à l’égard des coréens : “La Corée veut devenir le hub financier d’Asie et concurrencer l’activité bancaire de Hong Kong et la puissance retrouvée du marché financier japonais, mais son marché est manifestement réglementée, inefficace et ne fournit pas une concurrence loyale aux banques étrangères. A quoi rêvent ils?” Avec l’arrivée imminente de l’Acte de Consolidation des Marchés de Capitaux Coréens offrant un marché local plus fair-play aux établissements financiers étrangers, les esprits s’ouvrent et de nombreuses idées semblent s’agiter en tout sens.

Sous l’effet de ces annonces, je décide d’aller par tout le monde pour prêcher la bonne nouvelle. Ma première destination n’est autre que ma banque, la S banque. En Corée du sud, une carte de crédit donne bien évidemment à son acquéreur la possibilité d’avoir des débits différés et d’effectuer des opérations à l’international, mais à la différence de la France, elle donne surtout des avantages tres privilégiés à ses adhérents : des réductions considérables sur l’essence, la consommation téléphonique, les billets d’avion, les tickets de cinema, les restaurants, les cafés, les magasins de fringues, bref une vrai carte de VIP et une véritable frustration pour nous, étrangers, payant plein pot. Ce temps est dorénavant révolu! En franchissant le pas de la porte de mon agence, je découvre avec joie que tous les conseillers financiers sont disponibles pour me servir. Bien que ce soit inutile, je tire un ticket dans la salle d’attente. Client 54, nombre de clients en attente : 1. Le conseiller financier du guichet 1 me repère immédiatement et, tel le rapace qui d’un bec acéré plonge sur proie, appuie sur un bouton faisant apparaître sur sa borne digitale un 54 pixelisé, mon nouveau numéro fétiche. L’employé de la banque et sa cravate violette à paillette dernier cri m’accueille avec un grand sourire. Je décide de le mettre dans la confidence. Le type m'écoute tout en souriant et me demande soundainement si cette annonce inclut la S banque dans l’opération. L’aimable conseiller vient de me tirer à bout portant dans une region proche de mon cortexe cérébral. Après quelques secondes de coupure de jus, je me reprends en lui demandant si une telle decision gouvernmentale ne s’applique pas à tous les établissements financiers en règle général. Il me dame le pion une nouvelle fois en m’expliquant que, jusqu’a nouvelle ordre, la S banque n’a reçu aucune directive à ce sujet. Retour à la case depart. Quid de ma situation financière et de ma première annee en tant que salaryman alors? Le conseiller financier regarde tout de même mes états de service et me fait finalement remplir la fiche de demande pour une carte de crédit qui sera ultérieurement examinée par le service du risque.

C'est connu. On ne met pas les oeufs dans le même panier.



MISE A JOUR : Victoire. J'ai ma carte mais la S Banque me l'a filée en se basant sur mes dépenses et ma première année dans une boîte coréenne. Là, tout d'un coup, l'étranger, il devient tout de suite plus sympa.

2 commentaires:

julien a dit…

S'ils pouvaient plutôt enlever une fois pour toute ce système Orwellien... Poster un message sur internet, s'abonner à play-boy, s'inscrire sur un site de tuning, tout ça ne devrait pas requérir ce putain de numéro ! c'est notre liberté individuelle qu'on bafoue ! Les coréens s'en foutent car ils n'ont jamais été sensibilisé aux dérives que cela peut entrainer. A quand la CNIL en Corée ? J'ai entendu dire que dans le sud, ils vont procéder à un test d'une ville "ubiquitous" (problablement le mot 2007 à l'instar "well-being" pour 2006) où on implentera des puces dans la peau des gens afin qu'ils puissent payer automatiquement dans les épiceries ! Comme on fait au Royaume-Uni pour les animaux. Consommateur = bétail ! Bientôt on nous fera manger de la farine humaine (comme au Royaume-Uni aussi !); quoiqu'avec le scandale des mandous il y a quelques années... Plein de caméras, comme en Albion... Le futur fait peur ! Désolé pour la digression paranoïaque, mais tout ça pour dire qu'il te faut résister à la tentation de la carte de crédit ! (d'ailleurs j'ai jamais eu aucun bonus avec la mienne !!!).

Frederic Ojardias a dit…

C'est bien interessant tout ca... beau travail de synthese, et d'investigation sur le terrain !

Tiens nous au courant de ta demarche...