lundi 23 juin 2008

Emporter par la foule

Article très intéressant rapporté par le premier quotidien national :


'Une kyopo au coréen approximatif menacée du poing par les protestataires' (article de Suk-ho Lee du Chosun Ilbo traduit par Vince)



“Si le gouvernment a fauté, il doit bien sûr règler le problème. Cependant, les protestataires deviennent de plus en plus agressifs et extrêmistes”.

“Si tu parles pas coréen, fermes ta gueule!”

Vendredi 20 juin, aux environs de 22h30, une altercation de type ‘un contre tous’ s’est produite entre une femme d’une vingtaine d’années et des participants des manifestations nocturnes à la bougie devant l’hôtel Koreana à Taepyung-ro, Séoul. Mlle Shin, 24 ans, se présentant soi-même comme une américaine d’origine coréenne, a débattu dans un coréen approximatif et en anglais avec un groupe de protestataires entrain de scander “l’arrêt de la publication du Chosun Ilbo” en passant devant l’hôtel.

“Vous ne faites que systèmatiquement critiquer la relation entre le président Myung-bak Lee et le Chosun Ilbo. Arrêtez d’attiser le feu”.

Sur ce, 20 protestataires ont commencé à l’encercler.

“Parle en coréen”. “Retourne aux Etats-Unis, ne t’interpose pas“.

Un protestataire est même allé menacer du poing et bousculer l’épaule de Mlle Shin. Il a fallu 1 heure et demie à celle-ci pour effectuer les 300 mètres qui séparent l’hôtel Koreana de l’entrée du palais de Doksoogung. Les prostataires ont en effet continué à la prendre pour cible et à la harceler.

Une situation similaire s’est deroulée après l’entretien du président Lee Myung-bak avec les journalistes le 19 juin. Durant l’entretien, Yun-suk Lim, présidente de l’association des correspondants étrangers à Séoul et journaliste de la chaîne télévisée singapourienne Channel NewsAsia a demandé au président sud-coréen “si il voyait des renégociations avec les Etats-Unis comme quelque chose de désirable et si la Corée ne risquait pas de refléter une image négative dans le monde”.

En tant que journaliste d’une société de presse étrangère, il s’agit évidemment d’une question qui intéresse les étrangers. Toutefois, la réaction des netizens coréens a été totalement surprenante. Des attaques personnelles en règle ont commencé à pleuvoir :

“Elle se prend pour une étrangère… elle est venue sans ordinateur portable et avec un bout de papier, et a posé sa question en anglais”.
“Elle se vante de pouvoir parler l’anglais”.
“Yun-suk Lim et Myung-bak Lee sont de mêches et jouent ensemble au go-stop”.

Selon son entourage, la journaliste aurait subi un choc psychologique important. Jointe par téléphone, Yeon-sook Lim a declaré “ne pas vouloir envenimer la situation actuelle en faisant d’autres commentaires”.




Lee : "Savais tu que j’étais super balèze au go-stop au fait?"



Les réactions passionnées face à l’ingérence des étrangers dans cette affaire peuvent paraître légitimes dans un pays où le nationalisme a bonne presse. Cette attitude vis-à-vis de leurs compatriotes n’est pas non plus inédite. Généralement adulés dans le domaine du sport, des arts et de l’entertainment (Michelle Wie, KJ Choi, Name June Paik, Yunjin Kim, Hines Ward, Yoshihiro Akiyama etc.), les expatriés et les kyopos ont plutôt intérêt à garder le silence sur le plan socio-politique pour éviter les représailles des netizens coréens. Le chanteur-rappeur Yoo Seung-jun, qui a longtemps été une star incontestée sur la scène coréenne entre 1996 et 2002, en a fait les frais. Célèbre pour sa mèche de cheveux et son style de danse très énergique, il aura sorti 6 albums à succès et fait de nombreuses apparitions sur le petit écran. Bien qu’originaire de Californie, Yoo Seung-jun avait à l’époque la nationalité coréenne et devait servir ses 2 années de service militaire comme tout citoyen coréen qui se doit. Le chanteur de variétés a declaré en public, à plusieurs reprises, sa volonté de remplir son devoir de citoyen jusqu’au jour où il obtint à la surprise générale la nationalité américaine juste avant son appel. Considéré comme un acte de désertion, Yoo Seung-jun fut déporté vers les Etats-Unis et a été banni du territoire coréen sans même pouvoir se défendre. Mais la véritable furia vint de la presse et des netizens qui ont organisé un véritable lynchage médiatique poussant même les fans les plus dévoués au rejet de leur idôle. Le site 5 joueurs fut particulièrement remarqué pour ses animations flash relatant la vie imaginaire de Steven Yoo (son nom américain) dans un camp militaire sud-coréen.



"Laissez moi rentrer en Corée!"



La puissance de frappe des netizens coréens impressionne et inquiète à la fois. Elle impressionne par sa faculté à faire bouger les foules pour des causes justifiées comme la santé publique. Les prostataires ont finalement réussi à faire plier le gouvernement pour renégocier les conditions d’échanges entre les deux pays sur le boeuf américain. Elle inquiète par contre lorsqu’elle est animée par un nationalisme exarcerbé. Souvenez-vous du match Corée du sud – Suisse dans la poule de la France pour les qualifications en huitième de finale. Les décisions de l’arbitre ont semble t’il échauffés les esprits de certains coréens et en réaction aux actes soit-disant anti-coréens et à leur nouveau classement mondial (56ème), l’accès aux site web de la FIFA a été bloqué pendant plusieurs jours afin de demander des excuses officielles de la part de l’organisation internationale. Pire, cette nouvelle forme d’inquisition annihile la possibilité d’un dialogue social, créateur de gains mutuels dans tout désaccord entre deux parties. Les partisans d’une idée opposée à ceux des netizens deviennent finalement la cible d’un passage à tabac psychologique. Est-ce le retour de la pensée unique?

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