mardi 20 janvier 2009

Désastre Manifeste

On comptait ce mardi six morts et une vingtaine de blessés à l’issue d’une manifestation organisée par des petits commerçants lésés du quartier de Hangangro-2ga dans le district de Yongsan. Les pompiers ont retrouvé les corps à l’intérieur d’un bâtiment dévasté par les flammes. Comment est-on arrivé à ce résultat dramatique?

En mai 2008, la ville de Séoul annonce le développement de Yongsan Link, un immense projet censé rattacher la gare de Yongsan au Musée National de Corée avec des espaces verts et des tours gigantesques que les coréens affectionnent tout particulièrement. Le sous-sol, deux fois plus grand que le COEX de Samsung-dong à Kangnam, abritera à l’instar des Halles de Paris une véritable ville entière avec son lot de centres culturels, grands magasins, hôtels et autres lieux de commerce.


Yongsan Link (la gare actuelle de Yongsan est visible en haut de la photo)


Promoteurs, constructeurs, propriétaires, tous se frottent les mains à l’idée d’un tel projet de construction au coeur de Séoul, seul lieu sans véritable zone commerciale et résidentielle de renom en raison des bases militaires américaines dispersées dans le district de Yongsan. Tous? Non, un petit groupe d’irréductibles, principalement des petits commerçants, demande avec détermination une compensation financière plus conséquente suite à la fermeture de leur commerce. Le quartier, jadis florissant de petites boutiques, de restaurants et d’un petit marché permanent aux allures de souk, est désormais bouclé. Les bulldozers ont investi les lieux depuis quelques mois seulement. Lorsqu’un projet de cette envergure se dessine à l’horizon, l’intimidation prend rapidement le pas sur la négociation. Les anciens propriétaires du quartier ont tout simplement viré leurs locataires, acculés à déclarer en cessation de commerce. Leurs indemnités, si elles existent, sont dérisoires. Difficile dans ces conditions de rester les bras croisés. 120 personnes habitent encore les lieux alors que les démolitions sont en cours.


Des manifestants visiblement pas contents


Depuis le début des travaux, une quarantaine de personnes ont manifesté aux alentours du quartier sans provoquer de heurts majeurs. Lundi matin, les manifestants ont décidé de passer à l’action en s’enfermant à l’intérieur d’un bâtiment de cinq étages du quartier. Munis de pierres et de projectiles, les irréductibles ont repoussé inlassablement toutes les tentatives d’approche par les employés des entreprises de démolition et les forces de l’ordre. Suite à l’arrivée des forces spéciales de la police et d’une grue pour atteindre les étages supérieurs, les manifestants ont sorti les explosifs artisanaux et les jerrycans de liquides inflammables et combustibles. Le siège tourne au drame avec le toit en flamme. Au final cinq manifestants et un policier seront retrouvés sans vie sous les décombres.


Tiens, dans ta gueule!


Les manifestants étaient également munis de lance-projectiles efficaces


"Descente" aérienne des forces spéciales de la police


Le feu sur le toit


Indécrottable


Ce drame tombe mal. Le président Myungbak Lee venait juste de nommer Seokki Kim pour mener l’Agence de Police Nationale. On repprochait notamment à l’ex-chef de la police de Séoul sa gestion violente et autoritaire lors des manifestations à la bougie anti-boeuf américain. Du pain bénit pour l’opposition. "La première réalisation (de Kim) à la tête de la police nationale est la répression sanglante contre des citoyens ordinaires", s’est exclamée la porte-parole du Parti Démocrate. Les partis d'opposition réclament la démission immédiate des responsables de cette affaire.

Le quartier de Yongsan, d’ordinaire calme et fluide, était ce soir encore paralysé.

4 commentaires:

Frederic Ojardias a dit…

Wow.

Je reste sans voix. gravissime...

Anonyme a dit…

Hallucinant...

julien a dit…

Bah la destruction d'un quartier, ça passe par un consensus tellement asiatique hein... ça vaut bien le chinois dans sa maison à 20m de haut dans un chantier. Quel scandale !

Entertaining Yongsan...

btw Vincent, me suis trompé hier en fustigeant la mauvaise orthographe du pigiste du Monde. On dit bien "pain bénit" ou "ticket bénit".

Regarde cet article : http://platea.pntic.mec.es/cvera/hotpot/beni.htm

Z a dit…

Triste histoire, mais en même temps balancer des cocktails molotovs du haut de sa propre maison, ca mériterait bien un Darwin Award.

Malheureusement en Asie, les gros promoteurs immobiliers on tout les atouts dans leur poche quand il s'agit de déloger les gens pour une bouchée de pain, construire des grands ensemble et se remplir les poches au passage.

D'abord on envoie la police faire le ménage, et quand ca suffit pas on envoie la mafia pour tout casser. Là c'était l'inverse: mafia d'abord, police ensuite. Petit état des lieux après passage de la Mafia: http://www.daehanmindecline.com/digital/20081116b.html

Il y a eu le même genre d'histoire ici à Bangkok il ya 2 mois. Le marché de Klong Toey, dans un des quartiers les plus pauvres de Bangkok va etre détruit, pour etre remplacé par une station d'épuration (et il y en a bien besoin c'est vrai). Les petits commercants protestent, et la police n'arrivent pas à les disperser. Résultat c'est la mafia qui débarque et qui casse tout, puis qui se met à poser des bombes quand ca ne suffit pas. 15 blessés en Novembre dernier.

Point commun des deux: il s'agit à chaque fois de petits commercants qui ne sont pas propriétaires de leurs locaux, et donc à la merci des caprices de l'immobilier. Et du jour au lendemain c'est leur gagne-pain qui disparait.