mardi 16 décembre 2008

Crise Immobilière

Les nouveaux complexes résidentiels du quartier de Pangyo de la ville de Sungnam (banlieue sud de Séoul) s’attendaient à voir leurs 637 propriétaires emménagés dès l'inauguration. Peine perdue. Seule une famille s’est installée dans un des 371 appartements flambant neufs du complexe Vers l'Amour. Quant à Nobleland et ses 266 nouvelles propriétés, il n'y a pas âme qui vive. Nonchalance des nouveaux résidents? Bien au contraire. Un fonctionnaire de la ville de Sungnam donne l’explication : “Un nombre important de nouveaux résidents n’ayant pu vendre leur appartement actuel ou recevoir le jeonsae (depôt de garantie équivalent à au moins la moitié de la valeur de l’appartement permettant au locataire de s’acquitter du loyer) n’ont pas pu s’installer comme initialement prévu. En raison de l’expiration de la durée du contrat, l’unique famille qui vient d’emménager n’avait également pas d’autre choix que de venir s’installer”. Situé à proximité de la petite ceinture séoulite, Pangyo se voulait être l’alternative idéale pour les personnes faisant la navette entre la banlieue sud et le sud de la capitale.


Le complexe Vers l'Amour


Le quartier de Pangyo, "ville nouvelle", a été créée de toute pièce par l'administration Roh pour répondre à la demande excessive en 2005 de logement à Kangnam (ville de Séoul) et Bundang (ville de Sungnam), quartiers résidentiels et commerciaux de standing. Le déséquilibre entre l’offre et la demande pour l’immobilier s’est ainsi répercuté de plein fouet sur le prix du foncier. Le phénomène s’est amplifié avec la participation de spéculateurs sans scrupule, des taux d’emprunt bancaires faibles et l’absence de politiques gouvernementales pour enrayer cette spirale infernale. En juin 2006, Séoul devenait la deuxième ville la plus chère au monde, devant Tokyo, Londres, Genève et New-York. Au plus haut de sa valorisation, le mètre carré à Kangnam dépassait les 12 millions de wons (soit 10 500 euros le mètre carré). A ce tarif, il était possible de s'offrir un pied-à-terre dans le 16ème arrondissement accouplé d’une résidence secondaire dans le 15ème arrondissement à Paris.


Pangyo avant les travaux


Pangyo aujourd'hui


Comment est-il possible alors de devenir propriétaire à ce prix? En Corée du sud, la vente d’appartement neuf s’effectue tout d’abord par boonyang, système de prévente et d’attribution d’appartement par tirage au sort. Le promoteur immobilier permet ainsi de couvrir une partie de ses frais avant même le début des chantiers tandis que le futur propriétaire aura la joie de s’offrir un appartement à prix discount. Les chances d’être tiré au sort augmentent en fonction du nombre de personnes à sa charge, du montant déposé sur le compte de souscription et de l’absence d’appartement enregistré à son nom. Il va s’en dire qu’un petit nombre de coréens rusent de mille façons pour augmenter leurs chances (souscription par un tiers, enregistrement de nouvelles personnes à sa charge etc.) car ces droits d’achat d’appartement, dans un marché où les prix ne font que flamber, peuvent être notamment revendus avec une plus-value conséquente à la clef. Pour la grande majorité, être tiré au sort constitue un préfinancement assuré avec un versement échelonné sur plusieurs années. il ne suffit plus que d'un prêt immobilier à taux bas, facilement accordé à l'époque, pour devenir propriétaire d’un appartement de luxe. En avril 2006, la demande pour des propriétés en boonyang à Pangyo était de 88 souscriptions pour 1 appartement.

Dans un souci d’enrayer la bulle spéculative, le gouvernment s’est décidé fin 2006 à mettre en place une série de mesures et de taxes destinées à dissuader le cumul d’appartement et la revente éclair. Parmi les mesures les plus coërcitives, il est par exemple interdit de vendre tout nouvel appartement situé sur un terrain publique localisé dans 16 zones spécifiques de la Corée (dont Séoul, Incheon et Gwancheon) pendant 10 ans (7 ans pour les appartements au delà de 85 mètres carrés). Avec l’arrivée de la crise du subprime et de la récession économique en 2008, le coût du crédit a augmenté de manière significative, réduisant considérablement la marge de manoeuvre des ménages, acculés sous le poids de leurs dettes et de leurs emprunts hypothécaires. Au final, un nombre important d’emprunteurs se trouvant dans l’incapacité de rembourser leur prêt n’ont même plus la possibilité de faire appel au marché immobilier, paralysé par une réglementation excessive, pour vendre leur appartement.

Pangyo n'est pas la seule zone affectée. Les nouvelles villes de Paju, Asan, Sooji ou Hwasung sont sur le point d'enfanter des résidences fantômes. La ville de Séoul, qui a entrepris de vastes projets résidentiels dans les quartiers de Jamshil, Banpo ou Gangdong, assiste, dans une moindre mesure, au même constat. Dans ce contexte si particulier, la grande branderie semble d'ores et déjà se profiler.


Les nouveaux appartements Park Rio de Jamshil



Aucun commentaire: