vendredi 27 février 2009

Seoul dans ses ruines

Le drame de Yongsan dont parlait Vincent sur ce blog est arrivé il y a maintenant un mois. L’assaut brutal de la police contre le bâtiment où s’étaient réfugiés les manifestants qui luttaient contre la destruction de leur quartier avait laissé 5 morts parmi ces derniers, et un mort parmi les policiers. Les magistrats en charge de l’enquête ont conclu que les manifestants étaient les uniques responsables du drame. Le chef de la police a démissionné pour la forme, et n’a pas été autrement inquiété. Le dossier semble clos. Le souvenir du drame s’efface déjà.

Et sur place, qu’en est-il ?



Les activistes sont toujours là. Ils ont investi le premier étage du bâtiment où le drame au eu lieu. Ils sont accompagnés de deux cars de CRS et d’une journaliste bizuth au Hankyoreh, qui grille une cigarette et semble s'ennuyer un peu. Au rez-de chaussée du bâtiment en ruine, une pièce mortuaire avec les portraits des cinq disparus, devant lesquels brûle une bougie et de l'encens.


Juste à côté, un bus de police défoncé et brûlé sert de panneau d'affichage. Caricatures, dazibaos, pamphlets, peintures. Des cris de rage et de désespoir contre une Corée qui abandonne de plus en plus d'exclus. Les activistes s'expriment. Personne n'écoute.






Derrière le bus, une poignée de flics fument en silence, accoudés sur leurs boucliers anti-émeutes. C'est calme.

Les passants passent. La gare de Yongsan est juste en face, avec son quartier rouge et ses immenses centres commerciaux modernes. Les badauds manifestent peu d'intérêt. Ils sont arrêtés par des grands-mères qui leur demandent de signer des pétitions. Certains signent. La tragédie attire toujours la sympathie, quand même.

Nous marchons dans les rues du quartier dévasté, promis au bulldozer. Pas une âme. Un Family Mart est toujours là, intact. Il reste même des produits sur les étagères. D'autres magasins sont défoncés, vitres brisées et amas d'ordures à l'intérieur. Des graffitis obscènes et menaçants ont été laissés par les gangsters qui ont été chargés de vider les habitants.





L'église du coin, en brique rouge, semble avoir été protégée. Sera-t-elle épargnée par les new towns ? Un coiffeur ouvre toujours boutique, et affiche des pamphlets de résistance contre sa vitrine. Son magasin est vide.

En arrière-plan, la silhouette vaguement menaçante des grandes tours nouvellement construites et vides assombrit l'horizon. Solitude.

Le marché autrefois convivial et chaleureux est devenu une décharge. Au milieu des ruines, une grand-mère obstinée continue à vendre trois légumes. Sa silhouette est courbée, son regard éteint fixe le monceau de débris devant elle ; dans la ruelle déserte, le vent emmène quelques prospectus déchirés.

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2 commentaires:

Fabien a dit…

Un starbucks vaut bien quelques sacrifices !

Ou pas...

Anonyme a dit…

Quel poete ce Fred ! J'ai failli pleurer a la fin ^^